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Le Pays Dinannais
16 juillet 2015

Débat sur l'accord avec la Grèce au Sénat ( 15 juillet 2015)

 

 

Pierre Laurent

Pierre LAURENT, sénateur de Paris
Intervention au Sénat sur l’accord du 13 juillet avec la Grèce
15 juillet 2015


Nous abordons le vote crucial d’aujourd’hui, toujours sous le choc, et certains que le coup porté ce week-end à la démocratie marquera durablement les esprits et les relations entre pays européens.


Trois sentiments animent le groupe CRC :

- La volonté de défendre l’intérêt du peuple grec qui a eu le courage de se lever - le 25 janvier et lors du référendum - pour crier à la face de l’Europe sa souffrance et son exigence de voir lever le pilon qui l’écrase ! Vive le peuple grec digne et libre. Et vive Alexis Tsipras dont le courage et la responsabilité politique sont exemplaires.

- Le second sentiment, c’est la colère contre la violence de dirigeants de l’UE - au premier rang desquels Angela Merkel et Wolfgang Schauble. Ils viennent de montrer quels intérêts ils défendent. Qu’un peuple se lève contre l’ordre libéral et l’oligarchie financière, et ils s’affairent à le soumettre et le punir. Depuis le premier jour, ils n’ont jamais recherché un accord viable avec la Grèce et ont organisé son asphyxie financière. Ils voulaient la tête d’Alexis Tsipras. Le référendum a douché leur tentative de coup de force. Ils se sont alors acharné jusqu’à la dernière minute à provoquer un « grexit » de fait.
Alexis Tsipras, porteur du mandat de son peuple de rester dans la zone euro et de faire respecter la souveraineté de la Grèce, dans l’UE, s’y est refusé avec juste raison. Dès lors, leur choix a été l’humiliation et le chantage pour imposer le couteau sous la gorge, un nouveau plan drastique à la Grèce.Ces dirigeants et leur méthode sont la honte de l’Europe ! Ils ne servent que les pouvoirs financiers, quitte à s’appuyer sur l’extrême droite. Des millions d’Européens ne l’oublieront pas.

- Le troisième sentiment est alors celui d’une très grande inquiétude pour l’avenir de l’Europe. Elle meurt dans les cœurs et dans les têtes si elle continue ainsi. Tous ceux qui persistent à soutenir de telles méthodes prennent une très grave responsabilité devant l’histoire ! Des frustrations et des humiliations générées par une telle arrogance et la seule loi du plus fort naîtront des monstres politiques ! Ils grandissent déjà au cœur de l’Europe ! La leçon première à tirer, est l’impérieuse nécessité de la refondation sociale et démocratique de l’UE, et son émancipation urgente des logiques financières qui l’étouffent.

L’accord qui nous est soumis écarte à première vue le « grexit » qui était et qui reste l’objectif des dirigeants allemands. Alexis Tsipras a dit hier, avec une grande loyauté à l’égard de son peuple, dans quelles conditions il a assumé un accord contraint et forcé, pour éviter ce cauchemar à la Grèce. Je sais, que devant la brutalité de cet accord, certains en viennent à penser que le grexit ne serait plus qu’un moindre mal. Je ne le crois pas. Les Grecs non plus. Parce  qu’une  sortie  de  la  zone  euro  ferait  passer  la  Grèce  de  la  crise  humanitaire  à l’hécatombe. Parce que toutes nos économies seraient déstabilisées. Parce que c’est aussi une affaire politique et géopolitique qui peut ouvrir le chemin à un nouveau choc des nations. Regardez comment dans le dos des irresponsables comme Monsieur Schauble, Marine le Pen et les siens attendent le « grexit » comme la victoire enfin remportée, qui sonnerait le glas de la solidarité européenne !

Mais l’accord n’a pas réellement levé ce risque en choisissant d’imposer à la Grèce une mise sous tutelle insupportable et de nouvelles mesures d’austérité draconiennes. Joseph Stiglitz, prix Nobel, a déclaré : « les efforts demandés à Athènes dépassent la sévérité, ils recèlent un esprit de vengeance ! », comme si le peuple grec devait payer le prix de son
insoumission.

Si les exigences des créanciers sont toutes respectées, elles s’avéreront une nouvelle fois injustes socialement et empêcheront les objectifs de redressement productif du pays. Alexis Tsipras a redit sa volonté de protéger les plus faibles et d’aller chercher de nouvelles recettes  fiscales  auprès  de  ceux  qui  s’enrichissent.  Il  a  redit  la  nécessité  absolue d’investissements productifs pour relancer l’économie et d’allègement du fardeau de la dette. Mais tout est fait pour l’en empêcher. Ainsi en va-t-il du programme démentiel de privatisations.  Les rapaces sont déjà à pied d’œuvre. Vinci est paraît-il déjà sur place pour racheter les aéroports !

Plusieurs engagements financiers sont envisagés par l’accord à la demande de la Grèce :

- un programme de refinancement de 82 à 85 milliards d’euros,
- un rééchelonnement partiel de la dette,
- un plan d’investissement pouvant aller jusqu’à 35 milliards d’euros.

Sans ces engagements, tout le monde le sait, aucune relance ne sera possible ! Or, sous la pression de l’Allemagne, tous ces engagements sont rendus hypothétiques et seront soumis au chantage permanent des créanciers ! Quant à la France, si le Président de la République a joué tardivement un rôle pour éviter le « grexit », elle a accepté que le prix exorbitant à payer soit fixé par Angela Merkel, qui a dicté, une fois de plus ses conditions.

Je le dis solennellement, pour la Grèce mais aussi pour la France, nous ne sommes pas quittes. Et ne nous pouvons encore moins après ça, nous remettre à célébrer, comme si de rien n’était, le couple « indestructible » franco-allemand. La bataille ne fait que commencer. Tsipras est en première ligne. Certains voudraient refermer la parenthèse grecque. Notre  intérêt  commun,  grecs,  français,  espagnols,  européens  de  toute  nationalité  est  au contraire de pousser au changement dans toute l’Europe, de la libérer des forces libérales et des marchés financiers.

La France doit agir immédiatement pour :

- obtenir  le  déblocage  immédiat  des  liquidités  de  la  BCE  sans  les soumettre à de nouvelles conditions
- mobiliser le plus vite possible les 35 milliards d’investissements prévus en engageant sans tarder la contribution de la France et en proposant à d’autres pays de se joindre à la création d’un fonds de développement pour la Grèce qui pourrait
préfigurer un fonds de développement pour l’Europe toute entière
- Travailler à concrétiser le rééchelonnement de la dette.

Notre vote est aujourd’hui un acte de lutte et de solidarité aux côtés du peuple grec, d’Alexis Tsipras et de nos camarades de Syriza. Nous sommes solidaires de leurs choix et assumons leur difficile et courageux combat. Nous sommes à leurs côtés pour dire non à l’expulsion de la Grèce. Mais nous disons d’un même mouvement, au nom de la France, que l’accord scandaleux imposé à Bruxelles n’est pas digne de l’Europe et qu’aucun maintien dans l’euro ne le peut légitimer.

Le Groupe CRC (Communistes, Républicains et Citoyens) votera majoritairement contre.

Note : Le Parlement français s'est prononcé en faveur du plan d'aide à la Grèce, après un débat sur le texte mercredi après-midi. 412 députés ont voté en faveur du plan et 69 se sont exprimés contre. Le Sénat a approuvé l'accord par 260 voix pour et 23 contre.

 

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La Une de l'Humanité du 17 juillet 2015

Eric Toussaint : « La BCE a déstabilisé l’économie pour soumettre la Grèce aux exigences des créanciers »

Entretien réalisé par Rosa Moussaoui

Vendredi, 17 Juillet, 2015

L'Humanité

Photo : DR

Éric Toussaint est universitaire et porte-parole du CADTM

Photo : DR

Maître de conférences à l’université de Liège, porte-parole du Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde (CADTM), Éric Toussaint est le coordinateur scientifique de la Commission pour la vérité sur la dette grecque.

Athènes, envoyée spéciale.

Avons-nous assisté ces dernières semaines, à Athènes, à un coup d’État financier, comme l’affirment nombreux observateurs, en Grèce et à l’étranger ?

Éric Toussaint Oui et non. Ce qui était décisif ici tenait à des décisions politiques, prises par des instances politiques complices, bien sûr, des intérêts financiers. Ce n’est pas un coup d’État mené directement par la finance, mais par les institutions, la Commission européenne, les chefs d’État et de gouvernement des pays de la zone euro. L’Allemagne n’est pas seule impliquée. Il est clair que l’Espagnol Mariano Rajoy ou le Portugais Pedro Passos Coelho, sans parler des gouvernements finlandais ou letton, dévoués aux politiques néolibérales, tenaient à démontrer à leurs peuples respectifs que l’option présentée aux Grecs et aux peuples d’Europe par Syriza ne pouvait pas fonctionner. Il s’agit donc bien de décisions d’abord politiques. Il est clair que les grandes banques privées, les multinationales voulaient aussi obtenir la démonstration qu’il est impossible de tourner le dos à l’austérité. Mais il faut rappeler que les principaux créanciers de la Grèce sont aujourd’hui des créanciers publics. Les banques ne sont plus aux premières loges, elles l’étaient jusqu’en 2012, avant de se défaire des créances qu’elles détenaient. La restructuration de la dette en 2012 leur a permis de s’en tirer à bon compte. Aujourd’hui, la Commission européenne, la Banque centrale européenne et les États de la zone euro veulent absolument, en dépit de l’échec des politiques économiques imposées à la Grèce, que le pays reste sur les rails du néolibéralisme. Le FMI aussi, bien entendu, qui est aussi une instance politique.

Alexis Tsipras espérait, en contrepartie de sa capitulation sur les politiques d’austérité, obtenir des engagements sur un allégement de la dette. Les créanciers, eux, concèdent tout juste l’ouverture en 2015 d’une discussion sur un éventuel réaménagement de la dette à partir de 2022. Pourquoi cette intransigeance, alors que le FMI lui-même juge désormais la dette insoutenable ?

Éric Toussaint À mon avis, il pourrait y avoir une restructuration de la dette avant 2022. Les créanciers disent « pas avant 2022 » parce qu’ils savent que ce plan ne va pas fonctionner, que le paiement de la dette sera insoutenable. Ils la restructureront, cette dette. Mais en conditionnant cette restructuration à la poursuite de réformes néolibérales. La dette est un moyen de chantage, un instrument de domination. Fondamentalement, dans le cas grec, ce n’est pas tellement la rentabilité qui compte pour les créanciers, même si elle existe. Ce qui les motive, c’est de démontrer à leurs propres peuples et à ceux des autres pays périphériques qu’il n’est pas question de dévier du modèle. Pour Hollande, pouvoir dire : « Regardez, même Tsipras, même la gauche radicale ne peut sortir du carcan ! », c’est a posteriori et dans le débat français la justification de sa propre abdication, en 2012, sur la promesse de renégocier le traité européen sur la stabilité budgétaire.

Devant la violence de l’offensive des créanciers, Tsipras avait-il d’autres choix ? L’alternative se résumait-elle à la sortie de l’euro ?

Éric Toussaint Non, je ne le crois pas. Le choix n’est pas entre le Grexit et le maintien dans la zone euro assorti d’un nouveau plan d’austérité, en continuant à payer la dette. Il était possible de rester dans la zone euro en désobéissant aux créanciers par l’invocation du droit. Des violations de droits humains sont en jeu, ici. Il fallait suspendre le paiement de la dette ; prendre le contrôle de la Banque de Grèce dont le gouverneur, nommé par Antonis Samaras, joue contre les intérêts du pays et peut-être, aussi, lancer une monnaie électronique complémentaire qui aurait pu aider à faire face à l’assèchement organisé des liquidités, tout en restant dans la zone euro.

La BCE, instrument du coup d’État, inonde les marchés financiers de liquidités, dopant la machine à spéculer. Peut-on mettre la création monétaire au service de l’économie réelle, des besoins sociaux, du développement humain ?

Éric Toussaint Bien sûr ! Mario Draghi n’est pas « indépendant ». Il est l’interface entre les grandes banques privées et les gouvernements de la zone euro. La BCE a déstabilisé l’économie grecque de façon délibérée, pour soumettre la Grèce à ses exigences et à celle des autres créanciers.

Éric Toussaint, Universitaire et porte-parole du CADTM

 

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