Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le Pays Dinannais
26 mai 2016

Quand une petite commune terrasse la Lyonnaise des eaux

Article de Bernard Vera, sénateur de l’Essonne et maire de Briis-sous-Forges, paru dans Initiatives, journal des sénateurs CRC (Communistes, Républicains et Citoyens).

L'accès à l’eau est un droit humain fondamental qui doit être garanti par une gestion publique, démocratique et transparente. Il n’est donc plus concevable que ce bien commun indispensable à la vie puisse être une source de profits au bénéfice d’actionnaires privés. C’est pourquoi, après avoir confié la gestion de l’eau potable à la Lyonnaise des eaux pendant plus de 50 ans, la commune de Briis-sous-Forges vient de décider de soustraire l’eau potable du secteur marchand  et de la gérer au bénéfice de l’intérêt général.

Dès 2011, c’est à l’initiative du mouvement associatif que les premières réflexions sur ce sujet ont commencé dans notre commune. Bien des questions se sont posées dont certaines paraissaient insurmontables. Celle par exemple de la capacité d’une commune de 3500 habitants à gérer seule un des services publics les plus importants rendus aux habitants, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24 et avec la qualité irréprochable attendue par les usagers. Celle du coût de rupture d’un contrat de délégation de service public qui nous liait jusqu’en 2020. Celle aussi de la technicité indispensable des personnels pour entretenir les réseaux et les ouvrages, assurer les astreintes en dehors des heures ouvrables, ou encore pour relever les index et émettre les factures. Durant deux ans, nous avons progressé ensemble, élus, associations et citoyens pour surmonter un à un tous les obstacles et parvenir à inscrire la création d’une régie publique de l’eau parmi les dix projets phares de nos engagements de campagne pour le mandat municipal 2014-2020.

La première étape a consisté à prendre l’assistance d’un cabinet-conseil spécialisé dans l’accompagnement des collectivités qui souhaitent reprendre la gestion de l’eau potable. Nous avons ensuite réalisé un audit de la gestion de notre délégataire qui a permis d’apprécier les réalités techniques, financières et d’organisation mises en oeuvre, ainsi que les marges de manoeuvre qu’il était possible de dégager dans la perspective de la création d’une régie publique. Cette étude subventionnée par le département de l’Essonne et l’agence de bassin Seine-Normandie nous a permis d’acquérir la certitude de la faisabilité de notre projet. Toujours accompagnés par les partenaires financiers, nous avons ensuite réalisé notre schéma directeur d’eau potable qui nous a donné une claire lisibilité sur l’état de notre réseau et de nos installations et nous a permis d’anticiper sur les investissements à venir.

La deuxième étape a consisté à lever l’obstacle de la rupture anticipée de notre contrat de délégation de service public. Nous avons ainsi analysé l’application pour notre commune de l’arrêt du Conseil d’État concernant la commune d'Olivet, qui a confirmé que les délégations de service public d'une durée supérieure à 20 ans, dans le domaine de l'eau, de l'assainissement, des ordures ménagères, conclues avant la loi Barnier du 2 février 1995, ne pouvaient plus être régulièrement exécutées à compter du 3 février 2015. Ce cadre légal a offert à notre collectivité une opportunité de s'émanciper dès 2015 d’un contrat de délégation de service public de 30 ans qui courrait jusqu’en 2020.

Pour autant, La Lyonnaise des eaux nous réclamait plusieurs centaines de milliers d’euros à titre compensatoire pour rupture de contrat anticipé. Elle totalisait ainsi le montant des « restes à amortir » consécutifs aux investissements effectués pour le compte de la commune, le coût de rachat des compteurs des particuliers qu’elle estimait être sa propriété, ainsi que les pertes de bénéfices qu’elle espérait réaliser sur la période 2015-2020. Nous avons donc confié à un cabinet d’expert-comptable la mission d’examiner les 25 années des comptes d’exploitation du délégataire. Les conclusions de cette étude ont été sans appel : sur les 25 premières années du contrat, le délégataire avait non seulement couvert ses charges d’exploitation, financé la totalité des investissements, mais de surcroît réalisé un gain de plus d’un demi-million d’euros. En conséquence, au 3 février 2015, il n’y avait plus de « restes à amortir » et la commune ne devait pas un seul centime à la Lyonnaise.

Ces conclusions ont été validées par le Directeur départemental des finances publiques qui a rendu un avis favorable à notre demande de dérogation de un an, nous permettant de préparer dans de bonnes conditions le changement de mode de gestion.

L’année 2015 a été consacrée à la création de notre régie publique : adoption des statuts, élaboration des budgets prévisionnels, recrutement des personnels, choix des instruments de gestion, installation des locaux, réalisation d’un appel d’offres nous attachant les services d’une entreprise spécialisée pour l’exécution des travaux sur le réseau et assurer la continuité du service public… Depuis le 3 février 2016, la régie publique « Eaux de Briis » a pris le relais de la Lyonnaise et la première décision de son conseil d’exploitation composé d’élus et de citoyens a été de diviser en trois parties égales l’excédent prévisionnel d’exploitation : un tiers pour baisser le prix de l’eau potable pour les usagers, un tiers pour les investissements, et un tiers en provision pour l’avenir. Ainsi, pour la première fois, le prix de l’eau vient de baisser à Briis alors qu’il n’a cessé d’augmenter pendant 50 ans sous l’effet mécanique d’un indice d’actualisation inclus dans notre contrat de délégation de service public.

Cette baisse significative de 15% constitue un premier très beau succès collectif qui nous encourage à poursuivre dans cette voie.

 

Initiatives99Une

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Le Pays Dinannais
Publicité
Archives
Publicité